TRUMP RÉDUIT DRASTIQUEMENT LA SUPERFICIE DE GRAND STAIRCASE-ESCLANTE ET BEARS EARS

Engagé dans la lutte contre la protection de l’environnement et alors qu’il souhaite revoir la proclamation des “National Monument” aux Etats-Unis, Donald Trump vient de décider de réduire de façon spectaculaire deux Monuments Nationaux d’Utah : Grand Staircase-Escalante et Bears Ears. Cette décision ouvre la porte à une éventuelle exploitation des sous-sols. Catastrophe environnementale en vue…

Point de vue à Head of the Rocks Overlook - Grand Staircase-Escalante

Donald Trump souhaitait depuis longtemps revenir sur la promulgation de certains Monuments Nationaux, en particulier Bears Ears et Grand Staircase-Escalante, comme je vous en avais d’ailleurs parlé il y a quelques mois. Avec en point de mire la remise en cause de l’Antiquities Act, qui permet à un Président américain de protéger une zone à haute valeur scientifique ou historique sans passer par le Congrès. Si Trump y parvenait, d’autres régions protégées seraient alors en danger. Les deux “National Monuments” ici concernés ne perdent pas tout à fait leur status mais ils sont dès maintenant coupés en plusieurs parties et très significativement réduits dans leurs superficies respectives.

Si Trump et son secrétaire à l’Intérieur Ryan Zinke mettent en avant le droit “aux éleveurs de reprendre leur rôle de gardiens de la nature et de moteur des économies rurales” et que “les familles et les communautés de l’Utah sont celles qui connaissent et aiment le mieux leur terre, et savent mieux comment en prendre soin”, l’objectif est bien évidemment ailleurs. Et forcément financier, peu importe les ravages que cela pourrait provoquer d’un point de vue environnemental. Les terres libérées pourront donc désormais faire l’objet d’exploration d’énergies fossiles, ce que souhaitaient depuis longtemps les Républicains d’Utah. Trump pense également que “seules les plus petites zones nécessaires doivent être mises de côté pour une protection spéciale en tant que monuments nationaux”, faisant ainsi abstraction de la richesse historique et géologique de ces zones sur l’ensemble de leurs territoires. On estime que ces deux Monuments Nationaux abritent plus de 100 000 sites archéologiques et art rupestre datant de plus de 5000 ans pour certains. C’est aussi une région où 21 nouvelles espèces de dinosaures ont été découvertes.

Il suffit de regarder la carte suivante et de la superposer au nouveau découpage des deux parcs pour comprendre comment la répartition des territoires a été décidée.

A gauche, les ressources en charbon de Grand Staircase-Escalante (élevées en gris foncé et modérées en gris clair) ; à droite, celles de Bears Ears en uranium (bleu clair et bleu foncé) et pétrole (en noir) (carte © Outdoor Alliance)

Le cas de Grand Staircase-Escalante

Proclamé National Monument en 1996 par Bill Clinton, Grand Staircase-Escalante s’étend(ait) sur une superficie de plus de 7600 km². C’est une région isolée aux paysages incroyables de canyons, d’arches et autres merveilles naturelles. On y a également retrouvé de nombreuses ruines indiennes et des restes de dinosaures. On y vient actuellement pour profiter notamment de centaines de kilomètres de sentiers de randonnées dans des espaces immenses et spectaculaires.

Cottonwood Canyon Road, secteur Candyland - Grand Staircase-EscalanteLa partie nord de la Cottonwood Canyon Road (section des Narrows) reste protégée, pas la partie sud

Le parc perd désormais 45% de sa superficie et sera réparti en trois zones distinctes : Escalante Canyons au nord-est, autour de la ville d’Escalante ; Kaiparowits au centre ; Grand Staircase à l’ouest. La piste Hole-in-the-rock Road, au départ d’Escalante et qui dessert de nombreuses randonnées, n’est plus en zone protégée. Ni les slot canyons de Peek-a-boo et Spooky Gulch dans la même région. Ou encore, dans la zone ouest, la portion sud de la Cottonwood Canyon Road…

Nouvelle carte de Grand Staircase-Escalante National Monument après la décision de Donald Trump de réduire sa superficieNouvelle carte de Grand Staircase-Escalante (en orange) superposée sur l’ancienne (en jaune) (carte © Outdoor Alliance)

Le cas de Bears Ears

Pour Bears Ears National Monument, c’est encore pire. C’est en effet 85% de son territoire qui est ainsi supprimé par rapport à sa proclamation par Barack Obama en décembre 2016 ! Bears Ears tient son nom de deux buttes jumelles situées dans le Comté de San Juan, au nord de Monument Valley. Mais la zone protégée, de près de 5500 km², partait de Valley of the Gods au sud jusqu’à Canyonlands au nord et Glen Canyon à l’ouest.

Valley of the Gods - Bears Ears National MonumentValley of the Gods ne fait plus partie de Bears Ears National Monument après le redécoupage du parc voulu par Donald Trump

D’innombrables ruines indiennes et pétroglyphes s’y trouvent ainsi que des paysages impressionnants de canyons à Cedar Mesa et Comb Wash notamment. Cette dernière zone est globalement conservée (et renommée Shash Jaa’) ainsi que celle plus au nord d’Indian Creek. Tout le reste est supprimé…

Nouvelle carte de Bears Ears National Monument après la décision de Donald Trump de réduire sa superficieNouvelle carte de Bears Ears (en rouge) superposée sur l’ancienne (en rosé) (carte © Outdoor Alliance)

Les tribus indiennes et les associations de protection de l’environnement commencent la résistance

D’ores et déjà, les populations amérindiennes se sont insurgées contre cette décision qui ressemble à un véritable pied de nez à leur encontre. “C’est un jour triste pour les peuples indigènes et pour l’Amérique” a déclaré Russell Begaye, Président de la Nation Navajo, qui a décidé de porter plainte contre l’administration Trump avec quatre autres tribus.

Des organisations de protection de l’environnement sont elles aussi sur le pied de guerre. Friends of Earth accuse Trump de superviser “la plus importante élimination des zones protégées de l’histoire des États-Unis. Démanteler ces parcs est le dernier cadeau de Trump aux intérêts économiques qui ont soutenu sa campagne. Cette action est sans précédent et se terminera devant les tribunaux”. Dix organisations dénonçant une “proclamation illégale […] qui fait fi de 111 années d’histoire de la protection de l’environnement” ont porté plainte devant un tribunal de Washington DC.

S’il leur sera sans doute difficile de contrer Trump et son administration, il s’agit aussi de gagner du temps en faisant reculer le début de l’exploitation des terres désormais exploitables. En attendant éventuellement un changement avec le prochain Président des Etats-Unis, qui ne pourra pas faire pire que l’actuel. Mais ce ne sera pas avant fin 2021…

 

Sources : nytimes.com, washingtonpost.com, theguardian.com, Outdoor Alliance