VOLCANS ET GÉANTS DES CIMES (épisode 3) – jour 9 à 11

Mardi 30 juin, sequoia day

6 h 55. Il fait chaud, déjà, ce matin. Et on est sans doute moins reposé qu’escompté car il a fait chaud toute la nuit et des voisins motards ont été bruyants. Petit-déjeuner dans le lobby du motel avant de partir vers 8 h 10. Passage par le plein d’essence dans la station-service Texaco. Pas de self-service : c’est la loi dans l’Oregon (c’est précisé sur les pompes). C’est un pompiste, un homme de plus de 70 ans, qui nous sert. On voit d’ailleurs souvent des personnes d’un certain âge travailler dans des stations-essence ou des fast-foods, sans doute pour compenser leur maigre retraite.

C’est parti pour 1 h 45 de route, direction Jedediah Smith Redwoods State Park, un des parcs qui composent Redwood National and State Parks. Redwood, parce que les séquoias à feuilles d’if qu’on y trouve ont une écorce épaisse et crevassée, rouge orangée. Ce ne sont pas les plus gros (ce sont les séquoias géants), mais les plus grands des séquoias (les plus grands arbres du monde également) que nous allons découvrir. Juste après avoir passé la frontière de la Californie sur une route forestière, on doit s’arrêter à un contrôle des douanes du ministère de l’Agriculture (Department of agriculture). « Hello, do you have fresh products ? nous demande un agent. Like cherries ? Yes, we have cherries, grapes, apples. From the store ? Yes, from the store. Ok, you can go. »

On arrive à Jedediah, dans une première forêt de séquoias de près d’une centaine de mètres de haut ! On emprunte une route étroite tracée au milieu de ces géants à l’écorce musculeuse et fibreuse et au bois rougeâtre.

Séquoias génats de Howland Hill Road dans Jedediah Smith Redwoods State Park, Californie

On parcourt ensuite à pied la courte boucle (environ 1 km) de Stout Grove, pendant une quarantaine de minutes, au cœur des séquoias. Ils sont droits, forts, impressionnants, ces arbres millénaires ! Ils sont – même si ce n’est pas leur dénomination – géants ! Ils gardent la fraîcheur et l’humidité. On se sent tout petits à leur pied noueux.

Séquoia géant de Stout Grove dans Jedediah Smith Redwoods State Park, Californie
La végétation de la forêt est dense et verte, avec beaucoup de fougères aux feuilles lisses, aux spores invisibles. Les troncs des séquoias font, pour certains, une dizaine de mètres de circonférence. Même ceux qui sont tombés semblent encore vivants. C’est difficile de les prendre en photo pour rendre compte de leur taille et de leur majesté. Ils sont immenses, très près les uns des autres mais, avec la lumière du jour, pas écrasants, ni oppressants. On se sens plutôt protégé, sauf des moustiques, omniprésents.

Au sortir de la forêt, on emprunte Enderts Beach Road, le long de la côte… sous le brouillard. On est près de la mer. On l’entend qui balaie la falaise, mais on ne la voit pas ! On s’arrête quand même à l’overlook et on marche un peu, mais la vue est vraiment trop bouchée. On repart vers Klamath avant de s’arrêter quelques minutes plus tard pour déjeuner sur la plage, toujours sous le brouillard, à une table de pique-nique. Des gens se trempent les pieds ou s’allongent sur le sable noir. Nous sommes en Tsunami hazard zone. Un panneau donne les recommandations précises en cas de raz-de-marée : où se rassembler, quels secours appeler… A 13h10, on repart sous le soleil vers Redwood National Park, pour une randonnée d’environ trois heures, Tall Trees Grove Trail. Pour cela, on doit prendre un permis (gratuit) auprès d’un ranger, au visitor center. Une fois celui-ci obtenu et les instructions données par le ranger – ne pas donner à manger aux ours bruns, on s’en doutait, si tant est qu’on en voie – on reprend la route.

Il est déjà tard pour démarrer la randonnée, mais on a encore 45 minutes de trajet en suivant les indications avant d’atteindre le point de départ. On a même un code du jour pour décadenasser la barrière donnant accès au chemin forestier chaotique qui mène au départ de la randonnée, en pleine forêt. Comme il y a des travaux en cours par là, c’est un ranger qui nous fait passer. Plus que six miles dans la poussière et les secousses… Enfin garés, on part pour 1,5 miles de descente et 250 m de dénivelé (qu’il faudra remonter bien sûr !), puis un loop d’un mile dans la forêt de séquoias. Descente facile, bien qu’un peu usante pour les genoux, au cours de laquelle on rencontre furtivement un serpent-roi de Californie, reconnaissable à sa ligne blanche médiane qui parcourt le long de son corps noir.

Une fois en bas, les séquoias, là encore, sont géants. Entiers, avec le tronc à moitié brûlé de l’intérieur ou de l’extérieur, ils sont vivants. Jumelés, triplés, quadruplés ou encore davantage démultipliés en « tribus », ces arbres imputrescibles sont étonnants.

Entouré de séquoias de 100 mètres de haut sur Tall Trees Trail, Redwood National Park

Certains immenses troncs sont creusés, offrant des abris où on peut se tenir debout. Dans l’un d’eux, je vois même un nid aménagé avec des brindilles. Les troncs coupés et creusés offrent des abris aussi, et sont sources de vie pour les champignons, la mousse et les fougères. Certains arbres sont si hauts qu’on devine à peine leur cime. Il doit y en avoir une sacrée vie, là-haut, dans la canopée ! On dirait de fins buildings. D’ailleurs, on marche souvent la tête en l’air. Certains séquoias s’appuient sur d’autres pour grandir encore ou ne pas tomber. Combien ces congénères exercent-ils de tonnes de pression ?

Dans le loop, le long de la rivière asséchée, on découvre d’autres arbres étonnants : de grands érables aux branches tordues et démesurées, poussant en parallèle du sol ou l’atteignant, et recouvertes d’une épaisse chevelure de mousse verdâtre. Des branches folles dans tous les sens, comme d’immenses bras velus. Vraiment étonnant !

D'autres arbres, comme les érables (maple tree) recouverts de lichen, sont visibles à Tall Trees Grove, Redwood National Park

Prendre des photos n’est pas facile. On bénéficie de belles lumières, mais tout en pointillé, pas uniformes du tout. Normal, en forêt. Et le gigantisme des séquoias ne nous aide pas.

On fait la remontée en 33 mn seulement – moins de temps qu’à l’aller – en grandes et lentes foulées de montagnards. Si la montée en elle-même n’est pas vraiment difficile, le taux d’humidité très élevé rend la marche assez pénible et plus fatigante. On termine ainsi vers 17 h 10, trempés de sueur, de la tête aux pieds. On prend ensuite la direction de notre hôtel, un Holiday Inn Express, à Klamath. Plutôt classe ! Un vrai hôtel couplé d’un casino, près de restaurants et autre épicerie. Et même une piscine et une mini-salle de gym dont on n’aura pas le temps de profiter. On dîne au bar-restaurant du casino, franchement pas mal. Il faut reprendre des forces car demain, la randonnée sera plus difficile…

Mercredi 1er juillet, séquoias, jungle et enchantement

On a mis le réveil à 6 h 30, histoire de faire un compromis entre bien dormir et se lever assez tôt pour notre dernière randonnée à Redwood. Il est un peu plus de 7 h quand on descend prendre le petit-déjeuner dans la salle attenante au lobby de l’hôtel. C’est chic sans être guindé, ici. Il y a une grande cheminée à gaz (éteinte, ce matin). Aujourd’hui, la météo locale annonce du fog (brouillard) jusqu’à 11 h. Tant pis. Notre randonnée se fera par deux sentiers : James Irvine Trail et Miners Ridge Trail, avec un passage par Fern Canyon. Il fait frais dehors : environ 13 ° Celsius.

8 h 32. On se stationne devant le visitor center de Prairie Creek Redwood State Park, près duquel on est censé démarrer la randonnée. Le temps de bien préparer nos sacs à dos, de se vaporiser de répulsifs contre les moustiques, on est fin prêt pour partir à 8 h 55. On est censé être revenu six heures plus tard, vers 15 h. Ce ne sera pas le cas ! On reviendra à… 16 h 07. Bon, c’est vrai qu’on a un peu pris notre temps, mais tout de même. On est censé avoir parcouru 12 miles, soit environ 19,2 km. On se demande si ce n’était pas un peu plus… sur le chemin du retour. Bref. C’est une super-randonnée, aux paysages et aux ambiances très variés.

Donc, en ce début de parcours, il fait bon. On commence par s’enfoncer au cœur de la forêt de séquoias à feuilles d’if, centenaires et millénaires. À descendre et monter parmi les racines de ces géants. On trouve aussi différentes espèces de pins, atteignant facilement les 50 ou 60 mètres de haut.

Séquoias de Prairie Creek Redwoods State Park sur Miners' Ridge Trail

On se croirait dans la jungle, mais pas tropicale. Une jungle sans l’humidité (quoique…), mais avec une certaine luxuriance de fougères, mousses, pins poussant à l’ombre des séquoias impressionnants. Tous plus grands les uns que les autres. Avec de puissants contreforts en bas du tronc. Certains ont d’immenses troncs creux caverneux, souvent brûlés de l’intérieur et pouvant nous abriter, nous les minuscules humains. D’autres semblent avoir fusionné ou sont nés jumeaux ou triplés : de leurs immenses racines et contreforts se détachent deux, trois troncs. Certains sont regroupés en groupes de plus de six individus dont un ou deux gisants au tronc terrassé, amputé de ses branches. D’autres encore semblent avoir survécu à des glissements de terrains : leurs racines ont rejoint un autre niveau du sol, trois ou quatre mètres plus bas, et sont recouvertes d’une épaisse écorce, toute en stries musculeuses et en relief. Ces séquoias-là sont des miraculés, en somme : leurs racines ne mesurent que 90 cm… D’autres sont tombés à cause de l’érosion. Leurs racines hors sol déjà colonisées par d’autres plantes et champignons. D’autres encore sont coupés en immenses tronçons, certains découpés en « porte » pour laisser passer les visiteurs.

Au fur et à mesure de notre cheminement, on passe sur des ponts, on arrive à mi-hauteur de ces cathédrales vivantes. Certaines vues d’ensemble sont féeriques avec la lumière en perpétuel clair-obscur, avec plein de nuances de verts. On se croirait dans un décor de film fantastique. De nombreux tournages ont d’ailleurs eu lieu dans le coin, dont celui de Star Wars VI : le retour du Jedi (c’est dans ce décor que vivent les Ewoks du film). On croirait que les sages vénérables vont se mettre à marcher et à parler… On entend des oiseaux siffler (comme un sifflet, littéralement), le bruissement des feuilles. Pas un bruit sinon. La forêt semble sommeiller. Ou chuchoter…

On descend et on s’approche progressivement de l’Océan Pacifique. On entend de plus en plus le bruit sourd des vagues. L’atmosphère se charge plus d’humidité. Les séquoias disparaissent pour laisser la place à des grands pins (ou autres conifères ?) plein de branches depuis la base du tronc. Un panneau nous rappelle qu’on est en zone submersible (tsunami) et que cet endroit est un point de rassemblement en hauteur. On arrive ensuite à un camping de bord de plage qui se fond dans les dunes. Il est 11 h 45. La brume est tombée, le ciel est blanc, traversé par les rayons du soleil. C’est presque éblouissant, cette atmosphère laiteuse. Le sable est gris clair. Nous avançons dans les dunes, vers la plage et les vagues, dans le sol meuble.

On a besoin de se poser, notamment pour un arrêt déjeuner bienvenu. On s’installe dans les dunes fixées par la végétation (herbes et fleurs jaunes). C’est alors qu’on les voit au loin, les Roosevelt elks (une sous-espèce du wapiti). On repère leur pelage marron clair. Ils s’approchent doucement mais sûrement dans notre direction. Protégé par les herbes, on décide de ne pas bouger et d’entamer notre déjeuner. Le bruit des vagues nous berce. Le sable est chaud. Il n’y a pratiquement pas de vent. Christelle s’allonge deux minutes sur son écharpe étalée à même le sable et ferme les yeux. Mais les wapitis se rapprochent. Je compte un troupeau de quatorze individus. Ils sont à quinze mètres de nous. On en profite pour prendre des photos, mais les elks nous ont repérés, nous contournent, nous dépassent.

Plusieurs wapitis de Roosevelt broutent sur la plage de Gold Bluffs Beach, Prairie Creek Redwoods State Park
Jeune Wapiti de Roosevelt sur Gold Bluffs Beach, Prairie Creek Redwoods State Park
À part les vagues, pas un bruit alentour. C’est presque surréaliste. Certains elks atteignent une tente bleue, à plus d’une centaine de mètres de notre position. Puis ils reviennent vers nous et vers les vagues. Ils nous jettent des coups d’œil de temps à autre. On fait des gestes lents. Ça n’a pas l’air de les inquiéter. Je suppose qu’ils broutent les grappes de petites fleurs jaunes et leurs feuilles grasses et rondes qui s’étalent en herbiers harmonieux sur les dunes.

Après trois quarts d’heure de pause, on reprend notre marche dans les dunes. Un kilomètre dans le sable, un peu fatigant. On repère alors une voiture au loin. Le deuxième camping, notre point de repère avant d’arriver à Fern Canyon, ne doit pas être bien éloigné… On quitte les dunes par un petit chemin menant à un parking. Changement total d’ambiance. Après le calme absolu toute la matinée, on se retrouve au milieu de dizaines de touristes arrivés ici par une piste facile d’accès. On croise pas mal de familles se rendant, comme nous, au canyon. Quel étonnant et rafraîchissant écrin naturel ! On atteint les parois du canyon les pieds plus ou moins immergés dans l’eau d’un ruisseau dévalant des galets vers l’océan.

Fern Canyon dans Prairie Creek Redwoods State Park, Californie
Le verdoyant Fern Canyon, Prairie Creek Redwoods State Park
On chemine sur des planches en bois surélevées de quelques centimètres, plus ou moins en équilibre. On grimpe sur des troncs d’arbres. C’est ludique. Joyeuse ambiance, même si trop de monde à mon goût. Le plus étonnant, ce sont donc les parois de ce petit canyon : des murs de verdure, notamment de fougères d’un beau vert tendre. On a bien envie de rester pour continuer à explorer cet endroit bucolique, mais on a encore du chemin à parcourir.

Il est 14 h quand on quitte le canyon. Pas tôt du tout… Allez, c’est reparti ! On s’enfonce à nouveau dans la forêt. Ça grimpe. On prend bien garde à ne pas buter contre les racines noueuses des arbres : des boules compactes et serrées comme les perles d’un collier, affleurant le sol. Comme si les racines avaient de l’arthrose. L’air est encore chargé d’humidité. On se croirait cette fois dans la forêt tropicale. La végétation des sous-bois, touffus, est très dense. Combien d’animaux et d’insectes, qu’on ne devine même pas, doivent se cacher dans ces enchevêtrements végétaux… Après les pins réapparaissent nos amis les séquoias. Toujours aussi impressionnants. Eux aussi ont de gros nœuds, des bourrelets aux racines. Peut-être que c’est ça, les lignotubers, ces renflements riches en amidon qui se forment sur les racines ou les tiges souterraines et constituent des réserves de nourriture… Sur certains troncs tronçonnés net, on voit les cernes de croissance extrêmement serrés des arbres. La surface est presque lisse. Ce n’est pas étonnant qu’ils résistent au feu. Certains ont des centaines d’années, d’autres ont jusqu’à 3 000 ans. Depuis hier, on essaie de deviner où se trouve, dans Redwood, le plus grand séquoia, Hypérion, qui mesure 115,5 mètres. On ne sait pas, car les gestionnaires du parc ne l’ont pas indiqué, exprès. Pour éviter toute malveillance et parce que le piétinement tasse la terre et empêche les séquoias de bien puiser l’eau souterraine.

Enormes séquoias sur James Irvine Trail dans Prairie Creek Redwoods State Park
Atmosphère envoutante dans la forêt de séquoias de Prairie Creek Redwoods State Park sur James Irvine Trail
Un pont enjambe un petit ruisseau sur James Irvine Trail, Prairie Creek Redwoods State Park

On passe sur beaucoup de ponts en bois (dont un avec deux chaises en bois face à face, fixées sur le pont) au-dessus de ruisseaux ou du prolongement étréci du Fern Canyon. Ça grimpe toujours. Le chemin nous paraît plus long que prévu… On croise d’autres randonneurs. À un moment, une indication de distance à un croisement de sentiers confirment nos craintes : on est encore loin du but ! Alors on accélère l’allure. C’est un peu une course d’obstacles. Course, parce qu’on va plus vite. Obstacles, parce qu’on doit maintes fois passer sous des troncs de séquoias tombés en travers du chemin. Ou passer sur : par deux fois, on s’aide de gros clous plantés à dessein pour chevaucher et franchir les troncs. On monte ou on descend aussi pas mal d’escaliers créés de la main de l’homme.

16 h 07. Enfin, on arrive. En se disant qu’on a peut-être dépassé les 12 miles. Mais ça en valait la peine. Vraiment. Quelques étirements et on prend ensuite la Davison Road, pentue et non goudronnée, sinueuse, poussiéreuse, chaotique, dans la forêt. On est censé, si on a de la chance, apercevoir des cervidés comme des elks. Pas de chance. Alors on prend la route de notre motel Travelodge à Eureka. On roule le long de lagons et de l’océan qui se situe au même niveau, quasiment, que la route. Arrivée vers 17h50 au motel, qui jouxte l’artère principale d’Eureka. Piscine hors d’usage, pas de frigo, pas de laundry, chambre sans clim – pas grave, on va vite s’apercevoir qu’il fait très frais – au mobilier vieillot… Mais ça va aller, hein ?

18 h 30. On part au laundromat le plus proche avant d’aller dîner puis de rentrer, bien fatigués. Les randonnées sont dernière nous. A partir de demain, nous serons la plupart du temps en zone urbaine.

Jeudi 2 juillet, vignes à perte de vue

On est un peu dans le pâté ce matin. Pas de courbatures aux jambes ni aux bras cependant, bonne nouvelle. Finalement, c’est vrai que la chambre est vieillotte, mais propre, confortable et fonctionnelle. Jusqu’ici, on a toujours été satisfaits de la literie, ce qui est plutôt rare, dans un voyage. La circulation automobile est déjà dense dehors. Il fait bien frais ce matin. Je me demande s’il n’a pas plu.

7 h 30. Petit-déjeuner que l’on doit emporter avec soi dans la chambre : il n’y a que deux fauteuils dans le tout petit lobby du motel. Une fois terminé, c’est reparti. On a au moins cinq heures de route jusqu’à notre prochaine destination, Novato, près de San Francisco. On part vers 8 h 20. On quitte 30 minutes plus tard la freeway (autoroute gratuite où on roule à 65 ou 75 miles à l’heure) pour parcourir l’Avenue des Géants (Avenue of the Giants) à Pepperwood (la nationale 254). C’est une route d’une trentaine de miles, essentiellement forestière, avec d’étroites sections (narrow roads) bordées de séquoias centenaires ou millénaires, à fleur de bitume. Une haie d’honneur de géants. Ou plutôt, c’est nous qui sommes honorés de les côtoyer de si près, une fois encore ! Bon, c’est vrai qu’il faut un peu slalomer et rester bien concentré.

L'Avenue des Géants (Avenue of the Giants), bordée d'immenses pins et séquoias, dans le nord-ouest de la Californie

11 h 20. Il fait chaud. La température oscille autour des 90-94 ° Fahrenheit. On s’approche de la Napa Valley. Le long de l’autoroute défilent les vignes et les domaines viticoles, les caves et les annonces de dégustations de vins. Les vignes sont entrecoupées de collines à l’herbe grillée jaune pâle où sont parfois plantés quelques cyprès. Ce paysage me fait penser à la Toscane.

Les aires d’autoroute, connaissent pas, ici. On en cherche vainement. Tout ce qu’on trouve, ce sont des sorties avec des centres commerciaux. Or, on cherche une aire de pique-nique. On s’arrête finalement un peu après midi dans une petite bourgade, Cloverdale. On trouve un charmant petit parc avec table de pique-nique ombragée, sous un conifère en ombrelle, sur un lit de copeaux de bois en paillage. Ici, on mesure l’importance de l’eau : je crois voir que l’arrosage se fait au goutte-à-goutte. Un petit vent nous rafraîchit. C’est agréable. On déjeune entre une église communautaire (on est stationné sur son parking) en briques marron, une école, et un bar de dégustation de vin.

Vers 13h, on reprend la route direction Sonoma Valley et Napa Valley, sur la route des vins, de la gastronomie et des spas de Californie. Ce qui nous intéresse, c’est parcourir quelques routes comme la 121, la 29 et la Silverado Trail, pour prendre des photos de vignes et de domaines. Cette incartade dans la Napa Valley n’était pas vraiment prévue dans l’itinéraire à la base, nous n’avons donc pas le temps de nous arrêter pour une ou quelques dégustations. D’autant qu’il faudrait ensuite reprendre la route. Boire ou conduire, il faut choisir… Comme on a donc choisi l’option de ne pas s’arrêter expressément à un endroit, prendre des photos en roulant, c’est tout de suite plus compliqué…

Domaine de la Sonoma Valley et ses vignes, Californie
Collines et vignes de la Napa Valley, Californie

Des vignes et des domaines, on en voit plein, le long de trois heures de route. Avec des invitations à la dégustation, à visiter, à commander du vin, des bars et des spas, des restaurants au cœur des vignes, des grilles en fer forgé plus ou moins imposantes, des demeures de maître plus ou moins modernes et de plus ou moins bon goût…

Domaine Carneros dans la Napa Valley, Californie

On est loin d’être les seuls automobilistes sur la route et dans les rues de Sonoma et Napa. Et il y a aussi pas mal de cyclotouristes à circuler sur des voies dédiées, le long de vignes qui s’étagent sur des collines ou à plat. Certaines vignes sont d’ailleurs entourées de parterres de rosiers multicolores bien entretenus. C’est très joli. Et utile, de surcroît : comme les rosiers sont sensibles aux mêmes maladies que la vigne, mais avec quelques jours d’avance, cela permet au vigneron d’anticiper et de traiter sa vigne avant qu’il ne soit trop tard.

Vignes entre la Sonoma Valley et la Napa Valley, Californie

Il fait chaud, ça bouchonne par endroits et on est un peu fatigué. Donc, après avoir pu prendre quelques photos de vignes et de collines, on décide de se rendre au motel. On aura eu qu’un très bref aperçu de la région, mais on reviendra plus longuement, lors d’un prochain voyage. Il est 15 h 30. Moins d’une demi-heure de route. Mais c’est sans compter la circulation, les carrefours à « stops » (chacun passe par ordre d’arrivée) et des amorces de bouchons…

On arrive vers 16h30 dans notre motel, un big big Days inn (conçu, aussi, pour recevoir des séminaires) en parallèle de l’autoroute, à Novato. Plus précisément, en face de l’autoroute qui bouchonne (surtout, sur plusieurs miles, sur les voies d’en face) à cette heure-ci. D’ailleurs, on est bien content de ne pas y être, dans ces bouchons ! 100 $ la chambre tout de même. On paie la proximité de San Francisco. Bon, elle est pas mal, cette chambre. Spacieuse. Bien que sans frigo et avec un lit de (seulement) 160 cm de large, une clim agonisante. Mais elle a un balcon (même s’il est commun) donnant sur un jardin, les champs et les collines ondulantes et arborées, et le petit-déjeuner est included.

Comme on est arrivé de bonne heure, on décide de tester la piscine du motel, située dans le jardin donnant sur les collines et les champs. Transats, tables et chaises en fer forgé dans l’enceinte grillagée de la piscine nous attendent. Enfants et adultes batifolent. Il y a même un jacuzzi. Allongé sur les transats, on se repose. La journée de route a été fatigante. Et là, on est bien. Finalement, ce motel est plutôt bien placé. Côté pile, l’autoroute. Côté face, la campagne. Alors qu’on s’apprête à partir dîner, vers 20 h, j’aperçois, au loin, un troupeau de cerfs, biches et faons parmi les hautes herbes jaune clair fluo sur les collines. On prend quelques photos. Dommage que le ciel soit fade, et les cervidés, assez loin.

Pour ce soir, on opte, sur les conseils de la réceptionniste du motel, pour le restaurant italien le Chianti, sur Redwood Avenue. Façade discrète – à la nuit tombante, j’ai cette impression – mais illuminée. À l’intérieur, des tables en bois, des lumières tamisées et une ambiance bruyante et rieuse. Les cuisiniers œuvrent devant les clients derrière le bar. On nous installe tout de suite dans l’autre partie de la salle, un peu en contrebas, près d’une cheminée éteinte. Repas très correct (des lasagnes pour nous deux), qui nous change des hamburgers. Ca fait du bien ! Retour au motel vers 21 h 30. Histoire de préparer nos affaires, de s’organiser pour le lendemain et de dormir pas trop tard : on part à San Francisco…

A suivre dans l’épisode 4 de Volcans et géants des cimes : San Francisco, les baleines de l’Océan Pacifique et Los Angeles !