COYOTE GULCH : MA RANDONNÉE COUP DE COEUR DANS L’OUEST AMÉRICAIN
Après une première tentative avortée en 2015 pour cause de mauvaise météo, j’ai pu effectuer en octobre 2017 la randonnée de Coyote Gulch, dans l’Utah. Un parcours jonché d’obstacles mais absolument sublime et qui m’a semblé ludique malgré les difficultés de certains passages. Article mis à jour le 27 novembre 2019 avec de nouvelles photos suite à ma deuxième visite un mois plus tôt.
Le contexte de ma randonnée à Coyote Gulch
Il y a quelques années, j’avais déjà préparé la randonnée de Coyote Gulch que j’attendais avec impatience. Mais j’avais finalement dû abandonner mon projet à cause de la pluie qui rendait la rando dangereuse. En effet, les flash flood sont courants là-bas et détruisent tout sur leur passage. En octobre 2017, j’ai donc retenté ma chance après m’être de nouveau renseigné sur les difficultés à attendre de cette randonnée. On ne trouve pas beaucoup d’infos très précises, mais je vais essayer de remédier à ça !
Quatre jours avant mon passage, il y a eu de fortes pluies et un gros flash flood (encore !). D’après ce que l’on m’a dit, il y avait 1,2 mètres d’eau dans le canyon. Si le niveau était redescendu lors de ma randonnée, la végétation était par endroits en pagaille et le sol souvent très boueux.
Préparation et organisation
Il y a plusieurs manières de se rendre dans Coyote Gulch, qui se trouve dans Glen Canyon mais dont le départ de la piste d’accès Fortymile Ridge se situe dans Grand-Staircase Escalante, elle-même accessible par la Hole-in-the-rock Road. J’ai choisi de faire une boucle à la journée à partir de Fortymile Ridge Trailhead (gps N37° 24.224′ W111° 00.534′), en descendant par Crack-in-the-Wall et en remontant par Jacob Hamblin Arch. L’effectuer dans ce sens là est, me semble-t-il, la meilleure manière d’apprécier les paysages.
Si vous randonnez seul, le périple sera forcément plus ardu car vous ne pourrez compter que sur vous-même pour passer les quelques difficultés. A fortiori si vous avez comme moi un sac à dos bourré de matériel photo et donc bien lourd… A moins de rencontrer d’autres personnes qui vous fileront un coup de main (c’est ce qui m’est arrivé). Si vous êtes deux ou plus, les difficultés seront amoindries, notamment la montée finale à Jacob Hamblin Arch qu’il ne faut pas prendre à la légère.
La veille du départ, renseignez-vous au visitor center situé à l’entrée ouest d’Escalante sur les conditions météos et demandez un permis si vous prévoyez de dormir dans Grand-Staircase. Ensuite, je vous conseille très fortement d’acheter une corde de quelques mètres (j’avais pris 10 mètres) à Escalante Outfitters. Si vous êtes seul, elle est indispensable pour attacher votre sac à dos et le descendre dans les failles de Crack-in-the-Wall. Il vous faudra également disposer d’un 4×4 pour vous rendre sur le parking du lieu de départ, Fortymile Ridge Trailhead. Les derniers miles de la piste se font en effet sur du sable qui peut être assez profond.
Marche d’approche vers Crack-in-the-Wall
Il est un peu plus de 7h du matin quand je me mets en route. J’ai dormi dans ma voiture sur le parking du départ de la randonnée pour optimiser mon temps. Il fait seulement 2°C, autant dire qu’il vaut mieux que je marche à un rythme soutenu pour me réchauffer. Le soleil se lève tout juste et magnifie le paysage.
De nombreux cairns bien visibles sont présents pour indiquer le chemin, ce qui empêche de se perdre. La marche d’approche dure 30 minutes avant d’arriver à Crack-in-the-Wall (N37° 25.147′ W110° 59.094′) et sa splendide vue. La lumière est très intense et pas optimale mais on distingue tout de même nettement Stevens Arch, au loin, et un océan de roches derrière.
Crack-in-the-Wall est constitué de trois failles entre deux pans de roche très étroits. La troisième ne fait pas plus de 40 cm de large. C’est là qu’intervient la corde achetée la veille. La première faille est en effet profonde d’environ trois mètres. Pas de souci pour y descendre car il y a normalement un rocher surélevé en contrebas. Mais pas possible de descendre avec mon sac à dos bourré à craquer et trop fragile pour le balancer d’aussi haut. Je l’attache donc à la corde pour le poser doucement sur le sol trois mètres plus bas. La deuxième faille ne pose aucun problème. La dernière se franchit au ralenti. Mon sac (encore lui !), que je tiens de la main droite, est épais et j’ai bien du mal à le faire passer. Obligé de forcer et je me rendrai compte un peu plus tard que je l’ai légèrement déchiré sur le côté. Mais les trois failles sont derrière moi et je peux maintenant descendre la grande dune de sable jusqu’au niveau de la rivière.
La sable est profond mais la descente se fait très facilement en quelques minutes. En revanche, je ne voudrais pas avoir à la remonter en fin de journée. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je préfère effectuer la randonnée dans ce sens là.
Les pieds dans l’eau de Coyote Gulch
Juste avant d’arriver dans le fond, il y a la possibilité de prendre à droite pour se rendre jusqu’à la rivière Escalante et se rapprocher de Stevens Arch. J’hésite quelques secondes, mais ne sachant pas précisément combien d’heures va me prendre l’ensemble de la rando, je préfère ne pas tenter le coup. Il n’y a pourtant qu’un mile aller-retour, mais ce sera pour la prochaine fois.
Me voici donc enfin dans Coyote Gulch, encore très boueux du flash flood d’il y a quelques jours. Le chemin n’est pas toujours bien défini mais, en gros, il faut suivre le lit du ruisseau. Il est parfois possible de marcher sur la rive mais le plus simple est de ne pas hésiter à mettre les pieds dans l’eau. Quoiqu’il arrive, il faudra se mouiller à un moment ou à un autre.
La marche n’a rien de difficile et me semble même amusante et variée. Dans l’eau, sur le sable, au milieu de hautes herbes ou de bambous, ou encore sur des rochers. Dans certaines sections, la terre boueuse est très meuble. Tellement que je me fais une petite frayeur. Mes deux pieds s’enfoncent subitement jusqu’aux genoux dans une boue épaisse ! Mon appareil photo est autour de mon cou et descend jusqu’à la taille, je dois donc me débattre rapidement pour ne pas le voir prendre la tasse. Un gros effort et c’est bon, je suis de nouveau sur du dur. Les chaussures pleines de boue et de cailloux que j’enlève pour pouvoir continuer de marcher.
Franchissement des chutes d’eau
J’arrive à une première petite chute d’eau d’à peine deux mètres de haut. Deux solutions possibles ici : marcher dans l’eau profonde jusqu’aux genoux (ou plus, c’est assez variable) puis grimper en haut de la chute (ça ne pose pas de problème). Ou revenir quelques mètres en arrière pour la contourner par le dessus sur la gauche.
Je choisis tout de même cette deuxième solution et continue ensuite mon chemin pour arriver à une seconde chute d’eau qui peut poser problème. Celle-ci fait environ trois mètres de haut et nécessite d’escalader la paroi rocheuse à sa gauche (préférable) ou à sa droite.
Ce n’est pas vraiment compliqué, mais mon matériel est lourd et encombrant et me rend la tâche plus difficile. Petit coup de chance qui me fait gagner du temps, une jeune femme qui a établi un campement pas très loin avec des amis passe par là et propose de m’aider. Elle se trouve en haut de la paroi et prend donc mon sac à dos et tout ce qui me gêne afin de grimper plus facilement. Quelques mètres plus loin, une troisième chute, à mon avis la plus jolie des trois.
Je discute ensuite quelques minutes avec la jeune femme et son ami qui nous a rejoint. Tous deux m’expliquent que la montée finale à Jacob Hamblin Arch est très difficile et dangereuse. Surtout avec ce que j’ai sur le dos et autour du cou. Pas très rassurant mais je verrai bien une fois sur place. Après tout, on n’a pas tous la même appréhension des difficultés…
Des arches spectaculaires
Après cette petite pause, je reprends ma marche au milieu de paysages encore plus beaux. Vient rapidement Cliff Arch (N37° 25.176′ W111° 00.456′), une arche que j’aime particulièrement.
Elle me fait penser à un serpent qui ramperait le long de la falaise. Coyote Natural Bridge se trouve 2 miles plus loin, mais on peut faire avant cela un détour qui vaut vraiment le coup : Black Lagoon. C’est un petit étang où les falaises et la végétation luxuriante qui l’entourent se reflètent dans l’eau d’un noir opaque.
Le début du petit sentier se trouve au point gps N37° 24.960′ W111° 01.245′. Quelques mètres après la sortie du sentier de Black Lagoon, on peut aussi admirer quelques pictographes des Indiens Fremont (N37° 24.936′ W111° 01.290′).
Pour les voir de plus près, il faut prendre un petit chemin sur la droite et grimper sur une dune de sable. Petite pause au très beau et massif Coyote Natural Bridge (N37° 24.992′ W111° 01.646′) pour enlever de nouveau les cailloux dans mes chaussures.
Je croise un couple de Québecois avec qui j’échange quelques mots en français. Moins de cinq minutes après Coyote Natural Bridge se trouve une petit ruine construite dans la falaise (N37° 25.032′ W111° 01.704′). Elle n’est pas facile à dénicher et, pour être honnête, pas vraiment impressionnante.
Le chemin ne présente pas de difficulté jusqu’à Jacob Hamblin Arch, située un peu plus d’1,5 miles après Coyote Natural Bridge. En route, je découvre la superbe Swiss Cheese Falls (N37° 24.923′ W111° 02.027′), très photogénique ! J’y reste une bonne quinzaine de minutes pour la photographier sous plusieurs angles.
Juste avant d’arriver à Jacob Hamblin Arch, je fais une nouvelle rencontre. Un américain d’une petite cinquantaine d’années, Jacques, et son fils de 15 ans, Lucien. Jacques pense s’être cassé un petit doigt de pied et peine à marcher. J’apprends qu’il vient d’une famille suisse (d’où les prénoms !) et qu’il parle un peu français (plus qu’un peu en fait !). Au départ, je suis inquiet pour lui car ils doivent tous les deux effectuer la montée de Jacob Hamblin Arch avec deux gros sacs à dos. Mais il m’explique qu’ils font de l’escalade à un bon niveau. Ça devrait aller pour eux.
Jacob Hamblin Arch : un lieu exceptionnel
L’arrivée à Jacob Hamblin Arch (N37° 25.133′ W111° 02.592′) est vraiment sublime. L’arche en elle-même est massive, mais c’est surtout le corridor circulaire entouré de grande falaises formant une immense alcôve qui m’impressionne. On se croirait sous une voûte de cathédrale.
Certains randonneurs qui sortent ou entrent par Hurricane Wash ou Red Well et font le chemin en deux jours profitent de la fraîcheur des lieux pour camper ici. Je me trouve un coin en hauteur pour manger tout en admirant le spectacle. Ce site est silencieux et incroyablement reposant ! Je vais ensuite de l’autre côté de l’arche où la vue sublime donne l’impression de voir une double arche, avant de revenir sur mes pas.
Je serais bien resté plus longtemps mais il est temps de partir et de sortir du canyon.
Une montée périlleuse pour sortir de Coyote Gulch
La fameuse remontée se situe juste avant Jacob Hamblin Arch et est matérialisée par des cairns assez visibles (N37° 25.208′ W111° 02.501′) et une première petite montée facile. Ça ressemble à ça :
Celle-ci mène à un plateau d’où j’ai enfin une vue sur la fameuse pente d’une soixantaine de mètres de haut. J’avoue qu’au début, je n’ai pas vraiment compris par où il fallait monter tant celle-ci est raide ! Mais peut-être que je n’ai pas vu un autre chemin moins pentu et plus facile ? Dans mes recherches avant de partir, j’avais lu qu’il s’agit d’une montée de classe 3 minimum d’après la classification américaine. J’ai aussi lu classe 5 mais je ne sais pas s’il s’agit d’une erreur ou d’une autre classification (européenne ?). Je dois dire que je ne m’y connais pas vraiment dans ce domaine. Classe 3 signifie qu’il faudra utiliser les mains et les pieds et qu’une chute peut causer de sérieuses blessures. Il vaut mieux aussi ne pas avoir le vertige (ce qui n’est pas mon cas, dommage…).
Je vais essayer d’être clair car je trouve que les infos que l’on trouve sur cette montée divergent pas mal. Si vous arrivez dans l’autre sens, la descente semble un peu plus simple car vous pourrez descendre sur les fesses. A condition de ne pas avoir le vertige car la vue directe sur le vide peut être un sacré frein. Et avec tout de même beaucoup de précautions et une corde si possible. En montée, ça me paraît plus compliqué, bien que certains pensent le contraire. L’utilisation d’une corde me paraît ici indispensable si votre sac à dos est lourd. Mais si vous êtes un habitué de l’escalade, tout cela vous paraîtra probablement facile, sac à dos ou pas. Si vous randonnez à deux ou plus, vous pourrez vous aider et vous faciliter la montée. De mon côté, ce sont mon gros sac à dos et ma sacoche d’appareil photo qui m’ont gênés, ainsi que mon appréhension du vide.
Après avoir observé la paroi, je repère une section qui me semble un poil moins pentue. C’est là que je décide de passer mais mon sac à dos a tendance à me tirer en arrière et mon vertige me pose problème. J’enlève donc mon sac à dos et ma sacoche photo et les attache avec ma corde. J’aperçois alors deux personnes arrivant en descente. Ce sont deux Américains qui me proposent un coup de main en tirant mes affaires avec ma corde que je leur lance. Je peux alors effectuer la première partie de la montée, qui ressemble plus à de l’escalade, de façon plus libre. Il y a ensuite un replat avant la section la plus pentue. Une corde a été installée à cet endroit (je ne sais pas si c’est un coup de chance ou s’il y a une corde toute l’année). Mais il faut d’abord faire deux ou trois mètres pour l’attraper. Cela dit, les Rangers conseillent de ne pas l’utiliser ou de ne s’en servir que comme une aide. En effet, elle est accrochée à une sorte de mini-arche peu solide et un coup brutal sur la corde pourrait la détruire. Mais ça, je ne m’en rendrai compte qu’une fois arrivé. J’ai remis mon sac à dos et je monte donc à l’aide de la corde, alors que les deux Américains ont la gentillesse d’attendre que je sois en sécurité avant de partir. La dernière partie de la montée est bien plus simple et nécessite juste quelques efforts supplémentaires.
Dernière marche en cross-country
Me voilà enfin sorti de Coyote Gulch. J’aperçois la marque blanche en forme de V sur la paroi rocheuse, qui permet aux randonneurs qui descendent de savoir qu’ils sont au bon endroit.
Reste maintenant à retourner à la voiture. Le paysage est ici très minéral et il serait facile de se perdre sans gps ni cairns. Mais ceux-ci sont nombreux et bien visibles. J’ai les coordonnées du parking et environ 2 miles à parcourir, d’abord sur du slickrock puis dans une plaine semi-désertique. Il n’y a pas de sentier défini mais le retour se fait sans aucune difficulté. Me voilà à ma voiture environ 8h après mon départ. Je roule quelques centaines de mètres et j’aperçois alors Jacques et Lucien faisant du stop. Ils semblent heureux de me voir et je leur propose de les ramener à leur voiture, sur le parking de Peek-a-Boo. Finalement, ils ont bien effectué la montée sans problème mais le pied de Jacques est toujours très douloureux. Nous faisons la route pendant une bonne demi-heure en parlant mi-français, mi-anglais, avant d’échanger nos adresses email.
J’ai encore un peu de route pour rejoindre Escalante avant de me reposer dans ma chambre de motel et regarder les photos de cette fantastique journée…
Coyote Gulch en chiffres :
Longueur : 15,3 miles environ (boucle) soit 24,5 kilomètres (randonnée effectuée dans le sens inverse des aiguilles d’une montre)
Durée : pour ma part, 8h au total dont 5h de marche. Mais il faut tabler sur 9 à 10h en tout en fonction du rythme et du nombre d’arrêts
Altitude : 1123 mètres (minimum), 1448 mètres (maximum)
Dénivelé global : 325 mètres
Montée de Jacob Hamblin Arch : classe 3/4
Récapitulatif des principaux points GPS :
Début du sentier Forty Mile Ridge Trailhead : N37° 24.224′ W111° 00.534′
Crack-in-the-Wall : N37° 25.147′ W110° 59.094′
Stevens Arch : N37° 26.012′ W110° 58.752′
Cliff Arch : N37° 25.176′ W111° 00.456′
Black Lagoon (début du sentier) : N37° 24.960′ W111° 01.245′
Pictographes : N37° 24.936′ W111° 01.290′
Coyote Natural Bridge : N37° 24.992′ W111° 01.646′
Swiss Cheese Falls : N37° 24.923′ W111° 02.027′
Jacob Hamblin Arch : N37° 25.133′ W111° 02.592′
Remontée à Jacob Hamblin Arch : N37° 25.208′ W111° 02.501′
Bonjour,
Très belles photos et rencontres, un site qui fait rêver !
En cas d’absence de corde à la remontée, ou si on hésite à l’utiliser ne sachant quelle est la solidité réelle , est-ce malgré tout faisable par quelqu’un qui n’est pas un grimpeur entraîné ?
Vincent
Bonjour et merci pour ces compliments !
Si la corde est présente, il faut l’utiliser très délicatement car elle est accrochée à une sorte de mini-arche assez fragile. Il ne faut donc pas tirer dessus. Si la corde n’est pas présente, le risque est réel, surtout si vous êtes sujet au vertige. Si ce n’est pas le cas, c’est bien entendu faisable mais tout dépend de votre agilité et de votre capacité à grimper, même si vous n’êtes pas entraîné. Si vous êtes deux ou plus pour cette remontée, le mieux est d’emmener votre corde (10 ou 20 mètres, vous en trouverez à Escalante Outfitters). Le plus à l’aise monte en premier puis tient très fermement la corde pour aider les suivants. Mais si vous avez le moindre doute pour cette remontée, il vaut mieux ne pas s’y risquer et faire le chemin en sens inverse (prévoir une très longue journée de marche dans ce cas).